mardi 4 mai 2010

LA PROVENCE "ACTUALITES - REGION" ARTICLE DE PRESSE - L'INLASSABLE COMBAT DES HARKIS POUR LA RECONNAISSANCE...!



Publié sur La Provence (http://www.laprovence.com/)
L'inlassable combat des harkis pour la reconnaissance

Par Dominique ARNOULT (darnoult@laprovence-presse.fr)
Créé le 01/05/2010 14:33

Depuis le 5 mai 2009, ils se relaient devant l'Assemblée nationale. Et jour après jour, Hamid Gouraï et Zohra Benguerrah, fils et fille de harkis, déploient la même banderole sur laquelle on lit : "Nicolas Sarkozy doit respecter ses engagements". Le 31 mars 2007, le candidat à la présidentielle s'était engagé, s'il était élu, "à reconnaître la responsabilité de l'État dans l'abandon et le massacre des harkis en 1962". Une promesse dans un flot d'autres mais qui résonnait pour les harkis comme la fin d'une insupportable injustice et d'une longue relégation. La déception sera à la hauteur des espoirs. Car depuis, le président de la République semble avoir oublié ses promesses.

"Nous irons jusqu'au bout de notre combat", affirment Hamid et Zohra qui dorment tous les soirs sous la tente. "Au début, nous étions dans notre voiture, mais on nous l'a enlevée". Chaque jour, les députés passent devant eux. "Nous les avons tous saisis en leur demandant de poser une question écrite. Une vingtaine seulement est venue nous dire qu'ils nous comprenaient". Depuis l'indépendance de l'Algérie, l'histoire des harkis n'est que longue et douloureuse déchirure. Nés de l'autre côté de la Méditerranée, "supplétifs" de l'armée française durant ce que l'on a appelé pudiquement"les événements", considérés comme des traîtres, complices du colonialisme, plusieurs dizaines de milliers seront tués par le FLN en mars 1962, au lendemain des accords d'Évian. "Plus de dix mille", estime alors dans Le Monde Jean Lacouture.

Quelques jours plus tard, en avril, de Gaulle avait été affirmatif : "Il faut se débarrasser sans délai de ce magma d'auxiliaires qui n'ont jamais servi à rien". Le ministre d'État chargé des affaires algériennes, Louis Joxe, veut, lui aussi renvoyer ceux qui arrivent en France fuyant l'Algérie où les massacres se poursuivent. Fin mai, en urgence, un premier camp est ouvert. 90000 harkis rejoindront la France. Tous gardent de leur jeunesse, le souvenir de profondes humiliations. "Dans la classe, nous étions regardés comme des bêtes curieuses. On nous mettait dans un coin, de peur que l'on ait des poux", raconte Saliha. Qu'a fait la France pour tous ces paysans qui s'étaient battus pour elle, s'interrogent encore leurs enfants ? "Depuis 1962, il n'y a eu que des mesurettes. Quid des 3000 emplois réservés dans l'administration, de l'épineux problème de logement ? On n'en sort pas !", déplore Slimane Djera, délégué de l'Union nationale des harkis et amis et sympathisants.

Certains, pourtant, parmi ceux de la deuxième générationont réussi à se construire, brillamment même parfois, en dépit de leur histoire, en dépit de l'exclusion. C'est ce qu'a voulu montrer dans un très beau livre de portraits intitulé Des vies (Les éditions de l'Atelier) Fatima Besnaci-Lancou. Ni immigrés, ni beurs - avec qui ils ne veulent pas être confondus - tous revendiquent leur nationalité française et la spécificité de son acquisition. Patriotes furent leurs pères. Des patriotes à qui l'on a accordé depuis 2001, une journée nationale d'hommage. "Des miettes", disent-ils. Et des promesses. Encore des promesses...

Qu'a fait la deuxième génération de sa souffrance ?

Une mosaïque de visages et autant de parcours que de portraits, ceux de 62 enfants de harkis. Dans l'ouvrage que vient de leur consacrer Fatima Besnaci-Lancou, chacun, tout à tour, livre ses souvenirs. Bruts. Sans romance. Les événements comme l'on disait à l'époque, "Mon père ne nous parlait pas trop de la guerre d'Algérie", l'exil, les camps, la souffrance de leurs parents, leurs silences... vont au fil des pages. Comme le tiraillement entre les deux pays : "Une année, j'avais décidé de retourner en Algérie pour voir le pays de ma naissance. Cela m'avait fait un pincement au coeur à l'arrivée à tel point que je ne savais pas si je devais repartir en France ou sortir de l'aéroport. Finalement, je suis rentré en France où j'ai toute ma famille". D'autres encore racontent la solidarité, nécessaire réponse à l'isolement dans lequel les harkis ont été tenus. Pour Fatima Besnaci-Lancou, présidente de l'association "Harkis et Droit de l'homme", auteure de plusieurs ouvrages sur la question, ce livre "est la suite logique du travail de mémoire". Mais pas seulement.

On a souvent évoqué le sort désespérant "de la première génération", plus rarement ce qu'il est advenu de leurs enfants. "Beaucoup ont été laissés au bord du chemin", regrette-t-elle. Mais d 'autres ont relevé la tête. "Ce sont des résilients" dit-elle, au sens où l'entend le psychiatre Boris Cyrulnik qui préface le livre et interroge: "Qu'est-ce que vous avez fait de ce qu'on a fait de vous?"Éducateur sportif, assistante maternelle, pompier professionnel, technicien supé
rieur ... ils ont fait leur chemin. "Malgré la douleur vécue, mes parents m'ont appris à positiver", rapporte l'un d'entre eux. Entre les deux rives de la Méditerranée. Comme le revendique Abdel Oihabe Boumaraf, kinésithérapeute-ostéopathe. "Je suis berbère chaoui, annonce-t-il, avant d'ajouter : Je suis français né à Château-Renault. Je suis fier de ma culture tourangelle, fier d'être français et fier de mes origines berbères. La France, c'est ma moitié."

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